Comité International pour la Libération Immédiate
des Prisonniers Politiques de la Guerre Anti-Drogues

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Communiqué : Témoignage audio de Bernard Rappaz dans une nouvelle grève de la faim

par Marie-Claire Mertenat, Bernard Rappaz, 15 août 2011
Transmission de Marie-Claire (une amie de Bernard) d'une conversation audio qu'elle a eu avec Bernard le 15 août 2011


Transcription de l'appel téléphonique par Tapagoile

Communiqué de presse de Bernard Rappaz CPCL, 3977 Granges.

Lu et enregistré par téléphone à Marie-Claire Mertenat (entre parenthèse, tu choisis toi-même si tu veux mettre ton nom ou pas)

- Oui

- Pour envoi au site Tapagoille et à l'agence télégraphique suisse à Berne.

Crêtelongue le 15 août 2011.

Depuis mon retour en janvier 2011, je me comporte comme un prisonnier modèle et je suis bien noté, tant dans mes relations avec le personnel carcéral qu'avec les détenus. De plus je toujours présent au travail et m'acquitte avec diligence de ma responsabilité de buandier. D'autre part, je n'ai subi aucune mesure disciplinaire.
Dans ces conditions l'administration carcérale octroie sans problème un premier congé de 24 heures à tout détenu parvenu au tiers de sa peine.
Pour ce faire il faut un plan de peine. Autrefois, celui-ci nous était octroyé dès le premier jour d'exécution de peine, de nos jours il est établi un PES, plan d'exécution de la sanction pénale. Certains doivent l'attendre quelques semaines, c'est un temps qui est vécu comme une nouvelle torture psychologique.

« Depuis le 12 août 2011 à 12h30,
je suis entré dans une nouvelle grève de la faim. »


Depuis le 12 août 2011, je suis entré dans une nouvelle grève de la faim.Ceci est une décision grave qui ne peut être choisie que lorsque tout a déjà été tenté, elle représente une dernière chance et un ultime espoir.

Chronologie de mes diverses actions:

POINT 1. En janvier 2011, je demande l'obtention de mon plan de peine.

POINT 2. Sans réponse, mon avocat établit la même demande en mars 2011.

POINT 3. Le 27 avril 2011, le directeur adjoint de la colonie répond à mon avocat maître Neeman que ce plan est en cours d'élaboration, que le calcul est compliqué et qu'il faut encore un peu de temps pour l'établir.

POINT 4. En mai 2011, l'assistante sociale me présente un plan de peine, où sont oubliés 13 jours en 2010 et 37 jours en 2006 où j'étais assigné à domicile avec contrôle policier quotidien. Il est clairement évident que cette mesure est carcérale et équivaut au port d'un bracelet électronique, dès lors elle équivaut donc à des jours de peine effectués.

POINT 5. j'envoie un recommandé le 30 juin 2011 à la cheffe du département madame Esther Waeber-Kalbermatten, où je lui explique le problème rencontré avec ses services et mon intention en dernier recours à effectuer une nouvelle protestation par le biais du jeûne total.

POINT 6. La cheffe du département me répond le 12 juillet 2011, elle se montre favorable à ce que l'on me décompte les 13 jours de 2010 mais se montre évasive quant au 37 jours de l'assignation à domicile subie du 25 mai 2006 au 30 juin 2006 prononcée par le juge Dupuis.

POINT 7. L'administration carcérale me signale que si j'apporte la preuve que j'ai subi ces 37 jours, elle me les déduira de mon plan de peine.

Ceci est quand même un comble quand l'administration pénitentiaire demande à son prisonnier de prouver qu'il a effectué des jours de prison.

POINT 8, huitième point: mon avocat obtient auprès du juge Dupuis une attestation de ces 37 jours.

POINT 9. le 21 juillet, j'envoie un nouveau recommandé à madame la cheffe du département où je lui précise que le tribunal de Martigny qui m'a jugé en mai 2011 a d'ores et déjà imputé les 73 jours de détention préventive subie en 2006 sur ma peine actuelle de 5 ans et 8 mois. La cour a simplement oublié les 37 jours d'assignation à domicile qui ont suivi.

POINT 10. le 8 août 2011, je reçois une copie du recommandé que madame Kalbermatten a envoyé à monsieur le juge Fournier, président du tribunal cantonal. Elle affirme qu'après réflexion, elle n'est pas compétente pour décider et que selon elle c'est ce juge qui peut prendre une décision.

POINT 11. dès lors, l'administration carcérale s'est sentie obliger d'attendre la décision du juge Fournier.

POINT 12. le 10 août 2011, j'envoie un courrier par télécopie au juge Fournier pour lui expliquer l'urgence de la situation et lui joindre l'attestation du juge Dupuis qui prouve mes 37 jours assignés à domicile en 2006. A ce jour je n'ai pas de réponse. Ici l'administration m'a calculé 3 fois ce plan de peine: le tiers apparaît une première fois au 29 septembre 2011, puis au 19 septembre 2011 et enfin au 14 septembre 2011. Ceci sans compter les 37 jours de 2006. Ainsi le tiers de ma peine apparaît effectivement au 7 août 2011, j'ai donc perdu le congé de 24 heures du 7 août, mais également celui de ce week-end, c'est-à-dire du 14 août 2011.

POINT 13. C'est donc frustré, triste et révolté que j'ai décidé de cette nouvelle grève de la faim.

Son but est clair et réclame simplement justice, car je m'insurge contre l'acharnement qui m'est systématiquement opposé.

Dès lors, on peut s'interroger sur les compétences à gouverner de madame Kalbermatten. J'en veux pour preuve qu'elle a déclaré au Nouvelliste que les détenus musulmans avaient le droit de recevoir la visite en collectif de leur imam, ceci en dehors des visites habituelles. Ces détenus ont reçu le soutien de l'imam Imani (NDLR: phonétique) de Sion qui est reconnu par le conseil d'Etat; mais rien n'a bougé et la directive du 3 mars 2011 établie par le directeur adjoint monsieur Egger est toujours affichée à notre réfectoire: elle stipule que si un détenu musulman désire la visite d'un imam qu'il doit le faire dans le cadre des visites habituelles du week-end, chose contestée par madame Kalbermatten. Ainsi nous devons malheureusement constater que la décision du chef du département n'est pas suivie par ses subordonnés. Une cheffe sans pouvoir?
Ici, il est utile de rappeler que le règlement des prisons valaisannes stipule que la direction doit organiser la visite d'aumôniers d'autres confessions si les détenus le demandent.

Il est difficile de constater que les détenus doivent respecter strictement un règlement que la direction bafoue. Ce problème d'imam est juste un exemple vécu et n'a aucune importance sur ma grève de la faim qui tient compte uniquement de mon plan de peine.

J'ai cru utile d'écrire cette lettre car je ne voulais pas que les médias parlent de ma nouvelle grève de la faim en omettant d'en expliquer les raisons.

En vous souhaitant paix, force et joie,

Bernard Rappaz.





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